Notre liminaire : A ce stade, je ne sais pas encore très bien à combien d’articles vous aurez droit sur ce sujet crucial – et puis, "X", dans le cadre d’un blog qui parle de littérature érotique, bon, je ne suis pas complètement hors-sujet, je crois.
Le plus important, dans un roman érotique comme dans n’importe quelle autre fiction, ce sont les personnages. De leur crédibilité et de leur justesse dépend l’adhésion du lecteur au récit que vous lui proposez.
Dans ce premier article d’une série consacrée à l’art et la manière de créer un personnage de roman, le faire vivre et rendre intéressant, je vais commencer par une évidence, un truc rabâché mille fois mais qu’il est bon de répéter encore et encore jusqu’à ce que ça rentre, nom de nom :
Un personnage est le moteur de l’action et non l’inverse.
Voilà la première règle à retenir si vous coulez créer un personnage que les lecteurs trouveront intéressant. Peu importe qui il est ou ce qu’il veut : il doit être le seul maître à bord.
Désirs de l’auteur vs. logique du récit
Si votre grande scène de plan à trois dans la forêt n’est justifiée que par l’envie de l’écrire, mais que les protagonistes n’y viennent pas de façon naturelle… vous avez un souci. Si vous voulez raconter un plan à trois (à quatre, à cinq, à douze) dans la forêt (à la plage, au musée du Louvre, dans une cellule de commissariat), commencez par créer des personnages dont le comportement et la trajectoire rendent possible cette scène – d’ailleurs, non : possible ne suffit pas. Le lecteur doit avoir une sensation d’évidence face aux choix, actions et paroles de vos héros. Ça n’exclut bien sûr pas la surprise : évident ne signifie pas prévisible – nous y reviendrons en détail dans un prochain épisode, mais lorsque vous créez un personnage, un ensemble de règles non-écrites le détermine – et cela, que vous y ayez pensé au préalable ou qu’elles se fixent empiriquement à travers ses premières actions. Le lecteur en a conscience, de même qu’il perçoit leur transgression. Si celle-ci est voulue, elle peut produire un effet intéressant. Mais si elle résulte d’une maladresse ou d’une absence de réflexion, la sanction est immédiate : le lecteur ne croit plus à ce qu’il lit. Dans le cas d’un roman érotique, ne plus croire à ce qu’on lit signifie ne plus être excité par les scènes de cul – avouez que ce serait dommage !
Réponse A ou réponse B ?
Quand je travaille sur un manuscrit, je demande parfois à l’auteur ou l’autrice : "Ton narrateur, pourquoi fait-il ça ? Pourquoi dit-il ça ?" Parfois je lui adresse des remarques du genre : "Je ne trouve pas sa réaction très crédible." La plupart du temps il ou elle me fournit une explication recevable et cohérente.
Quelle est, à votre avis, ma réaction ?
— Réponse A : Je suis rassuré, on passe à la suite.
— Réponse B : "Houston, nous avons un problème."
Ceux qui ont choisi A n’auront pas leur permis de conduire cette fois-ci ! La bonne réponse est évidemment la B : quelle que soit la pertinence d’une explication, si elle est nécessaire, alors ça signifie que le récit ne fonctionne pas. Voilà un truc que les auteurs et autrices qui débutent ne comprennent pas toujours. Dans leur tête tout est en place, assemblé, composé, justifié – oui mais voilà, les amis : nous ne sommes pas dans votre tête et à moins de laisser votre 06 sur la couverture, vos explications, on s’en fiche !
Lire autant de mauvais livres que de bons
Savoir quand ça sonne juste ou faux, quand un personnage agit de façon naturelle ou artificielle, est une des capacités les plus difficiles à acquérir. Instinct, intuition, appelez-ça comme vous voulez, en tout cas ce sixième sens est indispensable. Il ne s’apprend pas dans les manuels, il n’y a aucune technique particulière pour l’affûter. Il faut écrire beaucoup, lire beaucoup. Pas seulement de bons livres, mais aussi des mauvais : c’est ainsi qu’on s’habitue à détecter quand ça sonne faux.
La prochaine fois, nous verrons comment créer un personnage de roman érotique qui soit crédible et intéressant.