Un bon roman érotique, ce sont d’abord des protagonistes intéressants. Nous allons donc apprendre à construire un personnage de roman érotique assez ambigu et complexe pour donner envie aux lectrices et aux lecteurs de se passionner pour ses aventures de sa bite ou de sa chatte (ou de tout autre organe qui vous vient à l’esprit).
Le point de départ d’un texte de fiction est une question : que se passe-t-il dans la tête de quelqu’un qui … ? Et bien sûr, dans le cas d’un personnage de roman érotique, le champ couvert par ces points de suspension est circonscrit au sexe et aux fantasmes. Les exemples abondent : que se passe-t-il dans la tête d’une jeune femme qui apprend que la fille dont elle était amoureuse adolescente est désormais engagée dans une relation hétéro et BDSM ? (Vacances en soumission). Dans la tête d’une employée de supermarché qui découvre l’existence d’un lieu secret où réaliser tous ses fantasmes ? (Insatiable) Dans celle d’un chômeur qui se fait dominer et féminiser par l’ex-collègue de travail qui l’héberge ? (L’Apprentie Femelle)
Répondre à cette question revient à en poser d’autres, qui vont découler – ou bien être à l’origine – des situations que traverseront vos protagonistes.
Construire un personnage de roman érotique, c’est s’interroger sur ce qui le fait jouir, sur ses fantasmes, sur les pratiques qui lui donnent le plus de plaisir ; mais aussi sur ce qui le bloque, le refroidit, sur ses tabous ; c’est enfin se demander de quoi a-t-il honte, mais qui le fait kiffer malgré lui, quelles pulsions le travaillent et contre lesquelles il lutte.
Un orteil à la fois ou en y allant franco ?
Il existe deux manières d’aborder la construction d’un personnage de roman érotique. Soit y réfléchir à l’avance et rédiger un descriptif plus ou moins élaboré, allant de la simple fiche signalétique (nom, âge, profession, fantasmes, situation amoureuse…) jusqu’à la biographie détaillée, soit le découvrir au fur et à mesure des événements.
Je préconise la seconde manière, plus spontanée. D’un personnage de roman érotique, on ne doit connaître que deux éléments avant de se lancer : son genre et, si vous écrivez à la troisième personne, son prénom. Les réponses aux questions exposées en début d’article découleront de la première situation que vous allez décrire, et qui fixera d’une manière grossière un certain nombre de "règles" qui gouvernent votre personnage.
Pour ouvrir votre roman et présenter votre protagoniste principal, deux entrées en matière : la paisible installe le décor tranquillement, décrit une situation quotidienne ; la dramatique met en scène une crise ou un conflit. C’est comme à la mer : soit on rentre un orteil après l’autre, soit on se jette d’un coup, question de goût, d’envie du moment. Mais les deux doivent impérativement nous donner un premier aperçu de votre personnage – son caractère, sa personnalité, sa façon de réagir. Et vous stimuler assez, en tant qu’auteur, pour que vous ayez envie d’en savoir plus à son sujet.
Coup de foudre et speed dating
Ma méthode d’écriture, pour rédiger cette première scène, s’apparente au speed dating.
Un personnage de roman érotique, comme tout autre personnage de fiction, ne fonctionne que si l’auteur, en l’écrivant, a l’impression non pas de l’inventer mais de le découvrir, non pas de le faire agir mais de le regarder agir. La rencontre doit matcher au point que l’auteur devienne un simple témoin, ait le sentiment paradoxal que son personnage est autonome. Mais ça ne marche pas à tous les coups. Il faut prendre le temps de faire connaissance et vérifier si ça matche !
Écrivez quelques paragraphes, quelques pages, un ou deux chapitres, explorez la situation de départ, laissez votre personnage se débrouiller. Écoutez votre instinct. Tant que ça ne sonne pas juste, tant que sa richesse potentielle ne vous séduit pas, recommencez. C’est une question d’oreille, d’intuition. Vous devez éprouver cette évidence qui nous frappe quand on tombe amoureux et que c’est réciproque.
Une fois établie cette connexion, cette connivence bizarre avec une entité qui n’existe pas en dehors de votre tête, le plus dur est fait. Restez concentré : cette étrange empathie s’avère fugace. Mais si vous la maintenez jusqu’au bout, jusqu’à la fin de l’histoire que vous vous apprêtez à raconter et qui se résume, comme je le disais, à se demander ce qui se passe dans la tête de quelqu’un qui … – sans nécessairement répondre, ou bien en offrant une réponse incomplète, insatisfaisante, multiple –, alors félicitations : vous avez écrit un roman.