Vous avez eu une idée formidable de roman érotique, elle s’est concrétisée en une histoire passionnante, portée par des personnages extraordinaires. Votre entourage à la fièvre (pendant des heures) en lisant vos scènes de cul. Il ne vous reste plus qu’à proposer votre texte à La Musardine ! Vous croyez ? Êtes-vous sûr de l’avoir assez relu ?
Négliger de se relire, m’a dit un jour un copain auteur, c’est comme se rendre à son mariage dans son plus beau costume, avec une tâche de jaune d’œuf sur la cravate.
Ça n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Aussi je vous propose aujourd’hui quelques pistes et quelques conseils pour que les manuscrits des romans érotiques que vous allez m’envoyer en masse soient aussi nickels et pimpants que possible !
Concordance des temps
J’écrirai un de ces quatre un article détaillant les différences qui existent entre les romans érotiques rédigés au présent, au passé simple ou au passé composé ; à ce que ça implique en termes de rythme, de récit et de distance ; en quoi ça change la tonalité des scènes de cul. Pour l’instant contentons-nous de ceci : à la relecture, veillez à ce que votre texte, écrit par exemple au présent, ne vire pas sans raison au passé simple le temps d’une séquence, pour ensuite revenir à son temps d’origine.
À ce sujet, un constat marrant : dans les romans érotiques que je reçois, c’est au cours des scènes de cul que la concordance de temps est la plus malmenée – comme si l’auteur se laissait emporter par l’ébullition de ses sens (c’est indolore, rassurez-vous) !
Les tics de langage
Ils sont de deux sortes : soit il s’agit de mots que vous affectionnez particulièrement et semez sans vous en rendre compte tout le long de votre texte (un auteur des Nouveaux Interdits, pourtant aguerri, a utilisé pas moins de trente fois l’adjectif "sale" dans son prochain roman érotique, presque toujours associé à la notion de plaisir ou de jouissance), soit des adverbes brefs : si je ne me surveille pas, je peux laisser traîner sur une seule page une demi-douzaine de tous/tout/toutes.
Solution : la fonction "recherche" de votre traitement de texte (CTRL + F pour Word), qui fait apparaître en surbrillance toutes les occurrences du ou des termes demandés.
Proportions
Sans aller jusqu’à compter les mots et tailler dans votre structure pour que votre roman érotique ressemble à un jardin à la française, ça peut donner un rythme bizarre à la lecture si certains chapitres comptent dix ou quinze pages et d’autres seulement trois ou quatre. À moins que votre récit le justifie – si vous avez besoin, par exemple, de provoquer une sensation de rupture en intercalant un chapitre très bref entre deux autres plus longs –, votre manuscrit sera plus harmonieux si la taille des différentes parties qui le composent s’équilibre.
Gueuloir
Relisez à voix haute. Plusieurs fois d’affilée. Mais, genre, vraiment beaucoup de fois. Une dizaine, une douzaine. Jusqu’à ce que le sens du texte disparaisse et qu’il n’en reste que la musique. Voyelles, consonnes, syllabes, silences. À ce stade vous commencerez à saisir les sonorités qui se répètent de façon involontaire, les ralentissements et les syncopes non voulus, la ponctuation mal choisie, etc. Un roman érotique n’est pas qu’une histoire. C’est d’abord, comme toute littérature, un objet rythmique et mélodique.
L’autre avantage de ce type de relecture frénétique, c’est qu’elle met en relief de façon impitoyable les passages ennuyeux, redondants ou inutiles. La règle est simple : si au troisième ou quatrième passage sur un paragraphe ça vous emmerde de vous embarquer pour un nouveau tour, si vous avez envie de le sauter, alors il y a de grandes chances pour qu’il produise le même effet sur vos lectrices et lecteurs.
Relecture partielle
Un exercice amusant (et il marche aussi avec les bouquins des autres, essayez, c’est édifiant !) consiste à relire un passage de votre roman érotique en supprimant certaines catégories grammaticales. Relisez en sautant les adjectifs. Puis les adverbes. Recommencez en esquivant les COD, les COI, les compléments circonstanciels. Le but ? Vérifier si toutes ces précisions sont nécessaires ou si elles ne sont là que pour faire joli. Et si vous avez lu mes articles précédent, vous savez ce que je pense de ce qui est là pour faire joli.
Maintenant, à vous ! Reprenez le manuscrit que vous aviez l’intention de m’adresser et relisez-le en appliquant ces quelques conseils. Je suis sûr que vous serez surpris par le résultat !