Verbes faibles et BDSM : un conseil de relecture pour votre roman érotique

Christophe Siébert déclare la guerre aux verbes faibles dans les romans érotiques !

Dans un roman érotique comme dans tout autre texte, l’essentiel c’est la langue. La voix, le style de l’auteur ou de l’autrice résultent d’un dosage savant et instinctif de mélodie, de rythme, de sens de l’image, de souci du détail. Dans la boîte à outils dont disposent les écrivains, le verbe revêt une importance particulière. Et le verbe faible, donc, est un ennemi sournois qu’il convient de traquer sans pitié.

Pourquoi sournois ? Parce qu’invisible au premier abord. 

J’ai faim, j’ai envie de toi, j’ai la culotte trempée, j’ai fait un beau voyage, je suis content, je suis obsédé à l’idée de te bouffer le cul, je suis en bas de chez toi, je suis en train de me branler en pensant à tes seins, je mets la table, je mets mes chaussures, je mets une capote, je mets ma liberté de baiser au-dessus de mon amour pour toi, je mets longtemps à jouir, je fais un cunnilingus, je fais un gâteau, je fais pipi sur ton ventre et tu me fais un sourire de contentement, je fais beaucoup de route, je fais comme si j’avais envie de toi mais je suis découragé…

Ce sont tous ces verbes, qui peuvent servir à tout dire et qui donc ne disent rien, qui sont à éliminer.

Ne dites pas : il est en train de sucer. Dites : il suce.

Si vous écrivez "il est triste", "il est assis", "il est en route", "il est en train de de sucer" au lieu de "il pleure", "il rit", "il s’assied", "il se rend à", "il suce", vous susciter dans l’esprit du lecteur ou de la lectrice des images statiques. Vous montrez des personnages immobiles, figés dans leurs attitudes, au lieu de les saisir en mouvement, en train d’accomplir des choses.

Éliminez les verbes qui servent à tout dire et donc ne disent rien.

(Si vous pigez du premier coup d’œil pourquoi cette phrase fonctionne mieux que son équivalent quelques lignes plus haut, vous avez presque gagné la partie)

Se contenter de verbes faibles revient à se priver de nuances, de couleurs, de vivacité. "Il a envie d’elle", c’est vague et banal, même si vous précisez platement : "il a très envie d’elle". Alors qu’on peut se montrer précis, imagé : "le désir le tenaille", "sa bite se dresse malgré lui", "il ne parvient pas à détacher les yeux de son cul incroyable", "il songe à ses nichons du matin au soir", ou au contraire : "il s’imagine avec d’autres femmes pour réussir à bander". 

Dans un roman érotique, chaque mot compte

Une profusion de verbes faibles crée un rythme monotone, une mélodie molle, un brouillard lexical d’une grande pauvreté où le même son revient sans cesse. Votre récit, au lieu de plonger les lecteurs et les lectrices dans un état second, fébrile, les endort.

Autre notion importante : un roman érotique aux Nouveaux Interdits compte environ 30 000 à 40 000 mots. Si 5% ou 10% de votre manuscrit est criblé des mêmes termes insignifiants qui se répètent à longueur de page, c’est de la place perdue, gâchée ! Vous utilisez cet espace pour ne rien dire alors que vous pourriez faire progresser l’histoire, l’enrichir de détails, approfondir votre atmosphère, ajouter des dialogues, etc. Dans un roman érotique – dans toute littérature mais spécialement dans un roman érotique, qui obéit à un certain nombre de contraintes –, chaque mot compte. 

Quel rapport avec le BDSM ?

La solution ? La recherche systématique (Ctrl+F sous Word). Quand sur une seule page vous verrez apparaître surlignées en jaune une dizaine, une douzaine d’occurrences du même mot, le problème vous sautera aux yeux. 

Mais comment remplacer tous ces verbes faibles ? Par quoi ? 

Posséder du vocabulaire, savoir qu’à chaque action, à chaque nuance correspond un verbe précis, c’est tout l’art de l’auteur et de l’autrice de romans érotiques. Et le meilleur moyen d’acquérir ce lexique, c’est la lecture. Lisez des bons livres, ils enrichiront votre palette. Lisez-en aussi des mauvais, pour comprendre ce qu’il ne faut pas faire.

Et relisez-vous, relisez-vous, relisez-vous ! Je ne le dirai jamais assez.

Bon, vous allez me demander : quel rapport avec le BDSM ? Aucun, sinon que la lecture de, par exemple, À genoux devant elle, d’Octavie Delvaux, devrait vous permettre de comprendre quelle attitude adopter face aux verbes être, avoir, faire, mettre et leurs nombreux petits compagnons !

PS : quelques conseils supplémentaires ici.

Et ici.