L'Art du dialogue dans un roman érotique

Christophe Siébert, auteur et éditeur, vous donne des conseils d'écriture pour mettre sur pied des dialogues plus vrais que nature.

Votre roman érotique est fini. L’histoire est passionnante, les personnages aussi, vos scènes de cul… oh là là ! Alors vous me l’envoyez, je commence à le lire… et aux premiers dialogue, patatras, y a rien qui va. Aujourd’hui nous allons regarder comment remédier à ça. Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, voici la première règle, la plus importante, celle à ne jamais oublier : les personnages parlent entre eux et pour eux, pas à destination du lecteur. Si vous pigez ça, le plus dur est fait.

— Alors j’lui dis tu me plais, alors e’m’dit toi aussi tu me plais.

— Ah ouais ?

— Ouais.

— Et après ?

— Après je l’embrasse et alors là elle m’embrasse aussi.

— Ah ouais ?

Erreur numéro 1 : faire parler vos personnage comme dans la vraie vie.

— Aussitôt que je l’aperçus, je tombai amoureux.

— Vous aviez rendez-vous dans un café après avoir discuté de façon enflammée sur Tinder pendant plusieurs nuit, c’est bien cela ?

Erreur numéro 2 : faire parler vos personnages comme dans un mauvais roman qui se croit littéraire.

Évitez de causer comme dans un roman érotique ringard

— Elle a avalé mon sexe turgescent dans sa bouche aux lèvres écarlates et l’a sucé avec une habileté diabolique.

— Hmm… Et alors, petit cochon ? Tu as envoyé ta semence au fond de sa jolie gorge ?

Erreur numéro 3 : faire parler vos personnages comme dans un roman érotique ringard.

— Détruis-moi avec ta bite ! Je suis une petite salope ! Bousille-moi !

— Oui ! Oui ! Putain ! Salope !

Erreur numéro 4 : faire parler vos personnages comme dans une vidéo Pornhub.

Un bon dialogue doit obéir à trois règles :

D’abord, il doit reconstruire l’oralité et imiter la vie tout en étant aussi rythmé et travaillé que le reste de votre prose. Les répétitions, les hésitations, les structures de phrase à la syntaxe hasardeuses sont de bons outils, utilisés avec parcimonie. Le vocabulaire, le niveau de langage, de grammaire, la ponctuation offrent des moyens de caractériser un personnage, de l’ancrer dans son âge, son milieu social, sa profession, sa culture, son caractère, les émotions qui le traversent au moment où il parle.

Ne soyez pas scolaire

Ensuite, votre dialogue ne doit pas communiquer d’information évidentes pour les locuteurs. Ne nommez pas un personnage ou un lieu dont parlent vos protagonistes, si s’agit d’un détail évident pour eux. De même, évitez par-dessus tout de glisser dans vos répliques des explications, des résumés et autres détails qui ne sont destinés qu’au lecteur. Ce procédé scolaire casse le rythme, alourdit le récit. Si vous avez des infos à nous communiquer, trouvez un autre moyen !

Enfin, il doit rappeler autant que possible qu’il y a souvent des contradictions, des ambiguïtés, entre ce qu’on dit, ce qu’on fait, ce qu’on pense. Un personnage de roman érotique, comme dans la vraie vie, se trompe, dissimule, ment, exagère, fait le malin, bref : utilise toutes les ressources de l’oralité à son profit.

Au fond, à quoi sert un bon dialogue, dans un roman érotique ? 

Il doit permettre à l’action de progresser ; ou bien il doit enrichir ou approfondir la connaissance que nous avons des locuteurs ; ou bien encore il doit dynamiser le texte en perturbant à bon escient le rythme de la narration.

Un dialogue qui ne remplit aucune de ces fonctions devrait sauter à la relecture – autrement, il y a de grande chance que l’éditeur suggère de s’en passer… ou refuse carrément votre manuscrit, si trop de répliques inutiles le parasitent.

Arrêtez avec vos putains de didascalies !

Pour conclure, un mot sur les didascalies. 

— Putain, vociféra-t-il avec ironie.

— Je t’aime, prononça-t-elle tristement, tout en avalant bruyamment sa salive, l’œil humide.

Concernant le choix des verbes de parole, je suis partisan de la simplicité : dire, répondre, interroger, reprendre, annoncer, etc. Des indicateurs neutres qui ne forcent pas le lecteur ou la lectrice à entendre une émotion plutôt qu’une autre. Quant aux didascalies, je n’ai qu’un mot à dire : PITIÉ ! Épargnez-nous ça !

Si vous avez besoin de préciser la teneur émotionnelle de votre réplique, le ton sur lequel elle est prononcée, l’humeur du personnage qui s’exprime, c’est que le contexte qui entoure le dialogue n’est pas assez détaillé ou que votre réplique est ratée. Si on n’entend pas la tristesse, l’ironie, le murmure, le rire, le cri, alors il faut réécrire jusqu’à ce qu’on l’entende. Un auteur qui saute à pieds joints au milieu de son dialogue pour nous filer le mode d’emploi ne sera jamais une solution acceptable.