Dans un roman érotique, ça n'est pas l'intention qui compte (partie 2)

Partie 2 de la masterclass de Christophe Siébert sur l'écriture érotique : l'intention de l'auteur, tout le monde s'en tape !

Contrairement à ce que croient les universitaires qui décortiquent la littérature comme on ouvre un cadavre afin de comprendre les causes de la mort, dans un roman, et peut-être encore plus dans un roman érotique, on se fiche complètement de l’intention de l’auteur. Rien n’existe en dehors du texte et la première qualité d’une autrice ou d’un auteur est donc l’intelligibilité. 

Dans la première partie de cet article, nous avons passé en revue quelques souci de forme. Abordons maintenant les problèmes de fond :

Cohérence des réactions et des attitudes :

Là encore il s’agit d’un classique que je rencontre fréquemment dans les manuscrits de roman érotique que vous m’envoyez, j’ai nommé le-personnage-aussi-déluré-qu’expérimenté-mais-en-fait-non. Si vous passez huit chapitres à nous décrire ce cochon ou cette cochonne comme un.e. obsédé.e qui a tout vu, tout fait, ne vit que par le sexe, mais qu’au chapitre neuf il ou elle découvre à 35 ans les joies subtiles et troubles de la sodomie ou de la feuille de rose, il y a problème. 

L'histoire s'adapte aux personnages, pas l'inverse

De même, un personnage paisible et doux comme un agneau qui pète un câble sans raison particulière à la moitié du livre, ou l’inverse, le colérique qui ne réagit pas alors qu’il devrait, risque de plonger vos lectrices et vos lecteurs dans la perplexité.

La principale cause de ce problème, c’est en général que vous tenez à tout prix à décrire telle atmosphère ou telle situation, ou bien que vous en avez besoin pour faire avancer votre histoire. Alors, en parfait demiurge, vous manipulez votre personnage afin qu’il se plie à votre volonté. Mais ça ne marche pas comme ça ! C’est de la triche, moussaillon ! L’histoire doit s’adapter à la logique des personnages, jamais l’inverse. 

Cohérence des causes et des conséquences :

Voilà un autre défaut auquel je suis confronté en lisant vos manuscrits. Une situation est mise en place, elle implique un certain nombre de conséquences et ces conséquences elles-mêmes en auront à leur tour. Mais, pour une raison quelconque (souvent, il s’agit de la crainte de voir votre récit vous échapper, ruer dans une direction qui est la sienne mais pas la vôtre), vous vous interrompez en chemin. Je vous propose trois exemples là encore, tirés de romans érotiques dont la publication est prévue bientôt aux Nouveaux Interdits ou aux Aphrodisiaques  : 

Un personnage secondaire tombe raide dingue du personnage principal, mais il reste passif, ses désirs et ses sentiments ne perturbent aucunement la narration. Il n’agit pas, ou si peu que son absence du récit ne changerait rien. 

Aller au bout des situations

Deux personnages baisent dans un lieu public et se font gauler par un flic. Après une ellipse et un changement de chapitre, les choses reprennent leur cours normal comme si rien ne s’était passé.

Un protagoniste, présenté dès le prologue comme un pervers prêt à tout pour parvenir à ses fins, a l’occasion de forcer un autre personnage à coucher avec lui, mais il ne le fait pas et la suite de l’histoire ne fournit aucune explication à ce soudain revirement.

Quelles que soient vos raisons – la peur que votre roman érotique déraille, la flemme, le manque d’intérêt voire l’éthique –, si vous n’êtes pas prêt à aller au bout d’une situation ou d’un personnage, il vaut mieux les évacuer totalement de votre histoire plutôt que les exploiter à moitié.

Avant de transgresser les règles, il faut les connaître

Si vous gardez ces éléments en tête au moment d’imaginer les personnages de votre roman érotique, de réfléchir à leurs relations et à ce qui leur arrive, de rédiger et enfin de vous relire, il y a de fortes chances que pour que, lorsque nous travaillerons ensemble, le nombre de commentaires du type "reformuler", "je ne comprends pas", "pas clair", "pas cohérent", "il/elle ne devrait pas s’exprimer/réagir de cette façon" soient le plus réduits possible !

Bien sûr, mes collègues autrices et auteurs trouveront ces conseils scolaires et affirmeront à juste titre que les règles ne demandent qu’à être transgressées. Certes, mais n’oubliez pas que mes articles s’adressent d’abord à des gens qui débutent. Avant de transgresser les règles, il faut les connaître et les maîtriser. Alors, au travail ! Et n’oubliez pas : si vous pensez être l’autrice ou l’auteur d’un manuscrit de roman érotique qui aurait sa place aux Nouveaux Interdits ou aux Aphrodisiaques, n’hésitez pas à me l’envoyer.