Le fabuleux destin d'un manuscrit de roman érotique

Votre roman érotique est terminé. Très bien, mais comment le faire éditer ? Christophe Siébert vous dit tout !

Vous avez terminé votre roman érotique. Vous l’envoyez à La Musardine (ou à des confrères, mais c’est mieux à La Musardine : nous sommes les meilleurs, les Gallimard du cul) et attendez fébrilement notre réponse. Elle peut mettre plusieurs mois à vous parvenir. Mais savez-vous exactement par quelles étapes passe votre œuvre avant d’être acceptée ou refusée ? Bienvenue dans les coulisses ! (Bien sûr, ce parcours s’applique au reste de l’édition)

Quelques chiffres : les éditeurs indépendants reçoivent chaque année entre 3 000 et 4 000 manuscrits – ce chiffre double, voire triple, pour les groupes et les maisons les plus connues. À La Musardine nous avons (et donc vous avez) de la chance : les propositions annuelles de romans érotiques se comptent en centaines et non en milliers.

Soit vous avez envoyé votre manuscrit à une personne précise, soit à l’adresse générale : dans notre cas il s’agit de manuscrits[at]lamusardine.com.

90% des manuscrits sont refusés en première lecture

Dans la seconde hypothèse, votre manuscrit est ouvert par un premier comité de lecture qui tient lieu de gare de triage. À ce stade-là il n’est pas systématique que votre roman érotique soit lu de la première à la dernière ligne. Décider de l’écarter peut prendre quelques secondes (c’est de la poésie érotique et nous ne publions pas de poésie), quelques minutes (c’est la cinquantième resucée de Cinquante nuances de Grey ou d’un autre succès du moment), quelques heures (après en avoir lu la moitié, les trois quarts ou la totalité dans les cas les plus délicats, décidément, non, ça n’est pas pour nous). Ce premier niveau de refus concerne entre 90% et 99% des envois et se conclut par le fameux : « Merci pour l’attention que vous portez à notre maison, malheureusement nous ne pouvons retenir votre manuscrit », qui existe sous forme d’innombrables variantes – sans réponse au bout de six mois, vous pouvez généralement considérer que votre proposition a été refusée.

Pour la dizaine ou les quelques dizaines de manuscrits qui franchissent cette étape, une nouvelle aventure commence : dans certaines maison un second comité de lecture entre en jeu. À La Musardine votre texte parvient directement entre les mains de la directrice de collection ou du directeur de collection le plus à même de l’apprécier et le publier. Pour Les Nouveaux Interdits et Les Aphrodisiaques, par exemple, il s’agit de ma pomme. Je vous lirai donc avec attention, prenant de nombreuses notes qui nourrirons le premier mail que je vous adresserai.

Savoir lire et comprendre un mail de refus

Il existe à ce stade plusieurs niveau de refus et d’acceptation.

— Votre roman érotique ne me convient pas : je vous enverrai un refus simple, guère éloigné de la formule standard.

— Il ne me convient pas, mais je détecte en vous des qualités qui ne demandent qu’à mûrir : je vous donnerai quelques pistes pour la suite de votre travail, quelques conseils, et vous encouragerai à m’adresser vos prochains manuscrits. Attention, c’est important : les éditeurs sont submergés par les propositions. Donc, chaque fois que l’un d’entre nous vous invite à lui envoyer votre prochain texte, ça n’est pas une formule de politesse, il le pense sincèrement

— Il pourrait me convenir, si… : je vais vous suggérer des pistes afin de modifier en profondeur votre texte. Ça n’est pas un engagement à vous publier, mais le désir de lire une nouvelle version, si vous êtes d’accord pour l’écrire.

— Il me convient, mais : cette fois c’est bon ! Il y a des choses à revoir, mais sous réserve que nous tombions d’accord sur le travail à effectuer, je veux vous publier, j’ai kiffé votre roman érotique.

— Et enfin : vous êtes la perle rare, votre manuscrit m’a plu du début à la fin, il me convient tel quel, bienvenue à bord !

On n’écrit pas pour être publié

Dans tous les cas, refus ou acceptation, soumettre le fruit de votre travail et de votre passion à une maison d’édition ne doit pas constituer une fin en soi. La fin en soi reste l’écriture en elle-même, pour elle-même. De cette pratique constante, intransitive, il sort parfois des textes achevés, parfois non. Ces textes sont parfois réussis, parfois loupés. Ils sont parfois publiables, parfois non. Ils sont parfois publiés, parfois non. Et ils sont parfois lus, parfois non. Mais tout ceci n’est pas la cause de l’écriture. Tout ceci n’en est qu’une conséquence. L’écriture reste à elle-même sa propre cause, son propre moteur. N’oubliez jamais ça.