Les scènes de cul dans un roman érotique sont comme les scènes de violence dans un polar : des moments incontournables à ne surtout pas rater ! Je pose systématiquement cette question aux autrices et auteurs interviewés ici : "Selon vous, qu’est-ce qui caractérise une bonne scène érotique ?" Toutes et tous s’y prêtent de bonne grâce et nous dévoilent leurs trucs et leurs techniques. Il me semble que m’adresser à moi-même cette question cruciale était la moindre des choses !
Mal connaître ses personnages est le meilleur moyen de louper les scènes de cul qui les mettent en scène. Et mal connaître ses personnages, ça revient à dire qu’on n’a pas assez pensé son roman érotique avant de se mettre à l’écrire, qu’on n’a pas assez passé de temps avec son histoire, qu’on ne l’a pas assez laissé infuser – et qu’au moment de raconter leurs ébats et autres galipettes, vos personnages n’ont pas encore acquis leur autonomie.
Un roman érotique explore ce qui excite les personnages, pas ce qui excite l'auteur
Si vous ne connaissez pas assez vos personnages pour les laisser baiser comme ils ont envie, en exprimant leurs propres obsessions, leurs propres difficultés, leurs propres névroses, bref ce qui constitue leur singularité, leurs fantasmes, leurs ressentis, alors leur sexualité va à tous les coups se résumer à des clichés rebattus ou bien tout simplement refléter la vôtre… La conséquence, c’est que vos scènes de cul seront plates, se ressembleront et n’auront rien à nous dire. Les gestes, les envies, les orgasmes et même le vocabulaire seront banals, vos protagonistes seront interchangeables et on s’ennuiera ferme.
Je passe sur le cas des autrices et auteurs qui vont analyser le marché et tenter d’écrire des romans érotiques correspondant à ce qu’ils croient piger du goût du public, ceux-là ne méritent rien ne plus que le goudron et les plumes.
Dans un cas comme dans l’autre – naïveté ou cynisme – il y a plantade. Un roman érotique ne doit explorer ni ce qui excite l’autrice ou l’auteur, ni ce qui est supposé exciter les lectrices et les lecteurs, mais bel et bien ce qui excite les personnages et rien que les personnages.
Une scène de cul doit raconter quelque chose
Il faut donc réfléchir à eux en amont, les imaginer, rêvasser. Qu’est-ce qui les fait grimper au rideau ? Leur coupe les jambes ? Quels sont leurs tabous, leurs hontes, leurs frustrations, leurs bons et leur mauvais souvenirs, leurs fantasmes inavouables, leurs secrets ? Sont-ils expérimentés ? Quel est leur vocabulaire, leur degré d’aisance et de gêne vis à vis du cul ? Interrogez-les sur tout ce qui constitue une vie sexuelle, puisque c’est ça que raconteront vos scènes de cul et c’est ça que racontera votre roman érotique.
Car, oui, une scène de cul doit raconter quelque chose. Si en la lisant on n’apprend rien au sujet de l’histoire, des personnages ou des rapports qu’ils entretiennent les uns avec les autres, si elle ne fait pas progresser le récit ni n’enrichit le sujet ou le propos du livre, alors elle est purement décorative. Et dans ce cas, elle est inutile.
Les scènes de cul ne sont pas là pour faire joli
Je l’ai souvent rabâché : la différence entre un roman érotique et un roman classique qui contient des scènes de cul est simple. Si vous pouvez enlever les scènes de cul sans altérer la compréhension de l’histoire ou des personnages, alors vous n’aviez pas un roman érotique. Ce qui caractérise un roman érotique, c’est précisément le fait que les scènes de cul ne sont pas là pour faire joli. Elles sont essentielles. Sans elles, votre roman se casse la figure, il n’existe tout simplement pas. Leur apparition doit être nécessitée par la narration et leur contenu sexuel et émotionnel dicté par les personnages. Si vous arrivez à ça, vous avez déjà effectué la moitié du boulot.
L’autre moitié, vous vous doutez de quoi il s’agit : il faut que vos scènes de cul soient excitantes ! Et ça, pas de mystère, c’est une question de langue, de rythme, d’atmosphère, de lexique et tutti quanti !
Et ce sera l’objet de mon prochain article, dans deux semaines.
En attendant, si vous voulez lire des romans qui font la part belle à des scènes de cul particulièrement soignées, absolument nécessaires à l’histoire, si vous voulez vous frotter à des personnages riches et complexes, je vous recommande de jeter un œil à Asphalte chaud, de Mona Servo, et à Chaude comme l’enfer, d’Amy Waldo.
Quant à moi, je vous retrouve dans quinze jours !