Amaury Kupryan a publié aux Nouveaux Interdits, en 2019, son premier roman. Les Tentatrices racontaient, dans un style léger, les aventures érotico-comiques d’Édouard, dit Eddy, queutard invétéré tentant de mettre de l’ordre dans sa vie en commençant par cesser de sauter sur toutes les femmes qui passaient à sa portée… noble ambition constamment contrariée, pour notre plus grand plaisir, par l’inventivité de l’auteur en matière de situations aussi absurdes que pornographiques.
Dans Mise à nu, son nouveau livre, qui paraît ces jours-ci dans la même collection, nous retrouvons Eddy, ses contradictions, ses obsessions et ses fantasmes – mais attention : Mise à nu n’est pas la suite des Tentatrices, les deux histoires peuvent se lire de manière totalement indépendantes. Cependant, tout porte à croire qu’Amaury ne peut pas se passer de son personnage d’obsédé sexuel, un peu looser, un peu misogyne, un peu… con, parfois, disons-le tout net, mais tellement attachant !
En fait, dans ces deux romans, l’écrivain renoue avec une tradition littéraire bien établie : présenter la condition humaine à travers des anti-héros bourrés de défauts, souvent ridicules, dont on a plaisir à observer les déboires et à se moquer, mais qui sont, pourtant, si proche de nous. Une version sexy de la féroce comédie italienne façon Affreux, sales et méchants ? Oui, quelque chose comme ça !
Et, ce qui ne gâte rien, que ce soit dans Les Tentatrices ou dans Mise à nu, les scènes de cul sont magnifiquement écrites, parvenant à un équilibre rare entre excitation, émotion et humour.
En attendant de découvrir le roman, disponible en VPC sur le site de La Musardine et bien sûr, à la commande, dans toutes les bonnes librairies et même les mauvaises, je vous laisse en compagnie de l’auteur…
Bonjour Amaury, Mise à nu est votre deuxième roman pornographique et votre deuxième roman tout court. Pouvez-vous nous parler un peu de votre parcours, jusqu'à l'écriture de ces deux romans ?
Jusqu’à l’écriture de mon premier roman, Les Tentatrices, j’ai mené une existence désastreuse, entièrement vouée au vice. Ceux qui me connaissent savent que je n’exagère pas, et que je ne dois mon salut qu’à la collection Les Nouveaux Interdits.
De quoi parle Mise à nu ?
Un homme, Edouard, baise beaucoup de femmes très sexy et tout à fait étonnantes dans des circonstances toujours plus érotiques et cocasses. De La Défense à Central Park en passant par la forêt landaise, il ne ménage ni son corps ni celui de ses partenaires. Le problème, c’est que le sexe sans conséquences, ça n’existe pas. Et quand l’amour s’en mêle, alors là rien ne va plus pour notre cher Eddy.
En musique, on dit que le deuxième album est plus difficile que le premier. Est-ce pareil en littérature ?
Comment aller plus loin ? Comment faire plus fort ? Ces questions auraient pu m’angoisser, m’inhiber, mais c’est tout le contraire qui s’est produit. Les Tentatrices était un échauffement – certes déjà torride – et Mise à nu a carrément mis le feu à mon clavier. Une expérience encore meilleure.
Dans Mise à nu, vous retrouvez le personnage d'Eddy/Edouard, déjà au coeur de votre premier roman, Les Tentatrices. Parlez-nous de lui. Qu'est-ce qui vous a tellement plus chez lui, pour que vous vouliez continuer à nous raconter ses aventures ?
J'imagine que toutes celles et tous ceux qui lisent cette entretien sont plus ou moins de gentils obsédés – comme vous et moi, non ? Rien de plus naturel. Chacun d'entre nous peut se reconnaître en Eddy/Édouard. Il a tout le temps envie de baiser. Pire, ou mieux, il baise tout le temps. Mais ça ne l'empêche pas de se remettre en question constamment, ce qui le rend intéressant et enrichit sa pratique du cul. Ce type est une source d'inspiration sans fin pour l'auteur et l'homme que je suis. Malgré ou à cause de ses défauts, j'éprouve beaucoup d'empathie envers lui.
"Je suis très fier d’être un écrivain PORNO"
Vous considérez-vous comme un écrivain porno ou un écrivain tout court ?
Les deux. Je suis un écrivain parce que concrètement c’est ce que je fais : j’écris, et j’ai la chance d’être publié à La Musardine/Media 1000. Mais je suis également très fier d’être un écrivain PORNO – car par définition un écrivain porno n’écrit pas pour la gloriole, les paillettes, il écrit pour le plaisir, mu par le désir. Ça me paraît assez noble, somme toute.
D'où vous vient cet intérêt pour les romans de cul ?
J’aime la littérature, j’aime le cul, il est donc logique que j’adore les romans de cul.
J'ai l'impression que vous ne concevez pas l'érotisme sans une bonne dose de comédie. Dites-m’en plus !
Curieusement, juste avant de mourir, Michel Foucault et Jacques Derrida travaillaient tous deux sur le rapport entre pornographie et humour, notamment dans l’œuvre de Sade, Apollinaire et Pierre Louÿs. Cette question dangereuse hantait les deux philosophes ; elle a peut-être précipité leur fin. Je préfère ne pas m’y attarder.
Pouvez-vous nous parler de votre quotidien d'auteur ? Écrivez-vous tous les jours ? Avez-vous, par exemple, des rituels d'écriture ? Combien de temps mettez-vous à écrire un livre ?
J’écris quand je parviens à me concentrer, profitant des rares moments où certaines parties bien spécifiques de mon corps sont temporairement apaisées. Mes romans me demandent beaucoup trop de temps, car je suis assez méticuleux, voire maniaque, voire détraqué. Je ne veux rien omettre de la vérité de chaque goutte de sueur, de mouille, de foutre.
Quels sont vos thèmes préférés en pornographie ? Pour Mise à Nu, vous êtes-vous imposé des limites ?
Je cherche plus à repousser mes limites qu’à m’en imposer. Quant à mes thèmes principaux, les questions suivantes en donneront peut-être une idée : Qu’est-ce que le désir fait de nous ? Qu’est-ce qu’il nous fait faire aux autres ? Dans quelle mesure devons-nous le brider ou, au contraire, lui laisser le champ libre ?
"Comme pour n’importe quel roman, l’enjeu essentiel est la vérité des personnages"
Qu'est-ce qu'une scène de cul réussie selon vous ? Quels sont vos méthodes, vos ingrédients secrets, vos "petits trucs" ?
Une scène de cul peut être réussie de mille façons différentes, s’étendre sur deux paragraphes ou deux chapitres. Exactement comme deux amants peuvent tirer un coup express dans les chiottes d’un bar ou passer quinze jours au lit. Mon seul repère quand j’écris : sentir le désir monter en moi au fil des phrases.
Dans un roman érotique, qu'est-ce qui est le plus difficile à écrire ? Les scènes de cul, ou bien les autres scènes ? Pourquoi ?
Tout est important dans un roman érotique, une scène de baise ne fonctionne bien que si l’on a bien su l’amener. Mais faut-il opposer ces deux types de scène ? Comme pour n’importe quel roman, l’enjeu essentiel est la vérité des personnages. On doit y veiller à chaque page, que les personnages aient tombé la culotte ou non.
Faites-vous lire vos manuscrits à des lecteurs (ou des lectrices) privilégiés, avant de l'envoyer à votre éditeur ?
J’ai une lectrice privilégiée, oui, mais j’aime qu’elle découvre le texte sous sa forme définitive – celle d’un livre. C’est plus charnel. Mon premier lecteur est donc mon éditeur, l’inénarrable Christophe Siébert. Que voulez-vous, on n’a que ce qu’on mérite !
Je suis sûr que l’intéressé appréciera cette remarque à sa juste valeur. Vous signez vos livres d'un pseudonyme : d'où vient-il ?
On vous a mal renseigné. Mes ennemis, sans doute, ces maris jaloux qui aiment entretenir la confusion et faire douter de ma légende… Je suis né Amaury Kupryan et je mourrai Amaury Kupryan.
Drôle de nom, si je puis me permettre, mais passons. Quels sont vos futurs projets ?
1) Écrire de nouveaux romans érotiques.
2) Continuer à animer "L’Eros des Garrigues", émission consacrée à la culture érotique.
3) Prendre les rênes du podcast « Erotikko » dont je vous donnerai bientôt des nouvelles.
4) Faire tomber mes toutes dernières limites.
Et en bonus, retrouvez sur La Voix du X une autre interview, celle de Mia Michael, dont les aventures (autobiographiques ?) restent des best-sellers indémodables d’une autre de nos collections-phares, Les Aphrodisiaques