Je me suis un peu trop longtemps caché derrière mon petit doigt. Le moment est venu de remettre quelques pendules à l’heure.
Certes, nous publions de bons livres.
Oui, nos auteurs sont d’excellents auteurs.
C’est vrai, je suis fier d’être leur premier lecteur et leur éditeur ; fier de les accompagner depuis le manuscrit jusqu’au livre.
Oui, oui, oui, MAIS.
À un moment, il faut arrêter les phrases toutes faites destinées à draguer Télérama, France Cul (la mal nommée) et les autres bourgeois des lettres – de toute façon, ils se fichent bien de notre existence.
Nous éditons de la littérature PORNO.
Nous éditons des livres destinés à des gens qui ont envie de se BRANLER. Et voudraient se livrer à cette saine, douce et joyeuse activité en lisant une histoire plutôt qu’en regardant une vidéo. À force de raconter qu’un bon livre de cul se caractérise, comme n’importe quel autre roman, par des personnages marquants, une histoire forte et une langue singulière au service d’une vision du monde originale (et c’est vrai, un roman porno est tout ça), on finirait par croire que j’ai oublié le but premier de ma collection.
Ou que je ne l’assume pas.
Ou que j’ai honte.
Pas du tout, mais alors, pas du tout.
Quand je bande en lisant un manuscrit, je suis un éditeur heureux.
Quand je continue de bander alors que je suis engagé avec l’auteur ou l’autrice dans les corrections éditoriales, je suis un éditeur encore plus heureux.
Et si je bande encore en feuilletant le livre au moment de sa parution, je suis un éditeur comblé.
Au lycée, un de mes camarades de classe avait pour habitude, par provocation, de nous demander chaque matin : "Alors, tu t’es branlé, hier soir ?" Évidemment, la question nous mettait mal à l’aise et on ricanait pour éviter d’avoir à y répondre. Trente-cinq ans après, la leçon a enfin porté et cette question je la pose à chacun, chacune d’entre vous : alors, tu as bandé, tu as mouillé, en lisant les Nouveaux Interdits ? Tu t’es branlé.e ? C’était bien ? Si c’était bien, dis-le sur Babelio, sur Amazon, sur les réseaux sociaux. Notre petit territoire littéraire cessera d’être un ghetto quand nos lectrices et nos lecteurs exprimeront leur fierté d’avoir été remués par nos textes dans la région du bas-ventre.
Et alors, on n’aura pas accompli tout ce travail pour rien.
Je le redis : mes auteurs et mes autrices écrivent des livres de CUL.
C’est-à-dire des livres qui PARLENT DE CUL et donnent envie de FAIRE DU CUL.
C’est une grande fierté. D’aussi loin que je me souvienne (comme dirait Goldman), aussi loin que je remonte dans ma jeunesse, dans mon enfance, le seul truc qui m’a toujours fait du bien, jamais déçu, jamais trahi, jamais lâché, jamais abandonné, c’est la branlette.
Umberto Eco disait que les livres sont des machines à générer de l’interprétation. C’est exact. Et les nôtres, en plus, sont des machines à générer des orgasmes.