Courir plus vite que le lecteur : les 6 règles de l'écriture érotique

Christophe Siébert expose les 6 règles de l'écriture érotique, que tout apprenti auteur doit connaître !

 

J’avais l’intention aujourd’hui de poursuivre enfin mon article du premier juin (« Emballer le lecteur avec un seul adjectif »), à la fin duquel je vous promettais non pas la gloire et la fortune, mais quelques conseils pour susciter des émotions chez vos lecteurs et vos lectrices. 

Ce sera pour une autre fois (« Bouuuuuuh ! »)

Outre que je dois encore réfléchir un peu, il m’est apparu plus urgent de vous reparler de concision parce que c’est quand même le cœur du truc, on ne peut pas sortir de ça, tout le talent d’un auteur se situe dans la maîtrise de cette notion.

 

Les six règles de l’écrivain, érotique ou non

 

Six règles. 

Six préceptes, même. 

Vous pouvez vous les tatouer sur les mains, les écrire au marqueur sur l’écran de votre ordinateur ou les réciter chaque matin comme un mantra : l’essentiel est que vous ne les perdiez pas de vue.

  • Si vous pouvez le dire en trois mots au lieu de quatre, faites-le.
  • Si vous pouvez le dire avec un mot qui fait partie de votre vocabulaire au lieu d’un mot tarabiscoté que vous avez trouvé dans le dictionnaire, faites-le.
  • Si vous pouvez le dire avec un nom ou un verbe au lieu d’un adjectif ou un adverbe, faites-le.
  • Si vous pouvez le dire avec un verbe d’action au lieu d’un verbe d'état, faites-le.
  • Si vous pouvez le dire à travers un dialogue ou une action au lieu d’une description statique, faites-le.
  • Si vous pouvez vous abstenir de le dire parce que ce que vous avez déjà dit le suggère ou le sous-entend ou donne au lecteur assez d’éléments pour qu'il comprenne de lui-même, faites-le.

 

L’art de la concision en écriture

 

"Si vous pouvez", ça veut dire quoi, exactement ?

L’idée de la concision, vous l’avez sans doute compris, c’est de ne donner à lire que ce qui est nécessaire et laisser le reste, tout le reste, à la charge du lecteur. Le sous-entendu, le non-dit, possèdent une force terrible. 

Un exemple : votre scène de cul se passe, pour une raison ou pour une autre, dans un silence total. Pas un soupir, pas un gémissement, pas une parole, rien. Plutôt que de d’écrire, de façon explicite, un truc plat du genre "il n’y avait pas un bruit", il peut s’avérer bien plus efficace de décrire toute la scène en détails sans jamais donner une seule information sonore, et laisser le lecteur faire la connexion tout seul.

Un lecteur qui pige les choses de lui-même ne s’ennuie pas. Embarqué dans l’histoire à vos côtés, il cavale au même rythme que vous, obligé parfois de se taper un sprint parce que vous avez sans prévenir pris un raccourci et qu’il a peur que vous le semiez – mais attention, la nuance est subtile : il faut donner l’impression au lecteur que vous pourriez le perdre, mais ne pas le perdre pour de bon. Comme quand on baise. Vous savez, ce moment où ça devient vraiment électrique, incendiaire, pour votre partenaire ? Vous avez déjà essayé de jouer à « attention, je pourrais te laisser en plan à deux secondes de l’orgasme » ? Bien mené, ça décuple le plaisir que vous donnez à l’autre. Maladroitement exécuté, vous finissez seul dans le lit.

Dans un texte, il faut faire preuve du même doigté, de la même subtilité. 

 

Comment déterminer les coupes à effectuer dans un manuscrit ?

 

Comment savoir ce qu’on doit conserver et ce qu’on doit supprimer ? Il n’existe aucune règle générale. Ça dépend du type de récit, de l’atmosphère, du rythme, de votre langue, du style de narration (à la troisième personne ou à la première) et même des protagonistes eux-mêmes et de l’histoire que vous désirez raconter.

Juger ce qui dans un chapitre, une scène, un paragraphe, une phrase, est nécessaire ou pas relève à la fois de l’instinct et de l’expérience, mais il existe une méthode : la lecture à voix haute.

Lisez la partie à réviser une fois, deux fois, cinq fois, dix fois d’affilée. Au bout d’un moment, vous constaterez que certains passages vous ennuient, vous en avez marre de les relire sans cesse : il y a de bonnes chances pour qu’ils puissent sauter sans nuire à votre texte – mieux que ça : que leur disparition l’améliore. 

Variante 1 : imprimez votre manuscrit et recopiez-le sur votre ordi. En cours de route, vous tombez sur des phrases ou des paragraphes (voire des chapitres entiers !) que vous avez la flemme de recopier ? Ne vous forcez pas, laissez-les de côté et passez directement à la suite. Un texte débarrassé de ce qui ennuie l’auteur lui-même sera moins ennuyeux pour le lecteur.

Variante 2 (cruelle, il faut un ego bien accroché) : lisez votre texte en public. Attention, hein, pas devant votre maman et vos meilleurs amis. Non, non, devant un vrai public. Dans un bar, par exemple, lors d’une soirée de type micro ouvert. Et prêtez attention aux réactions de vos spectateurs. Leur regard ne trompe pas. Leur attitude non plus : quand ils se tirent commander une bière ou qu’ils regardent leur portable, repérez-bien à quels passages du texte ça correspond et préparez votre stylo rouge.

 

Pour conclure : pour bien écrire, écrivez moins !

 

Vous l’aurez compris : Réviser un texte ça consiste essentiellement, à traquer impitoyablement ce que vous n’aviez pas besoin d’écrire et à le supprimer. Bien écrire, c’est écrire moins. Pour certains auteurs, le mieux serait même de ne pas écrire du tout, mais c’est un autre problème, ça.

 

Un manuscrit retravaillé, c'est un manuscrit avec des coupes !