La transidentité, la transition de genre et le travestissement sont des thèmes à la mode mais ça n’est pas pour ça que j’ai publié L’Apprentie Femelle. Ce roman me tient à cœur car il aborde ces notions avec sensibilité, pudeur et engagement – ce qui est logique quand on connaît le parcours personnel de Cerise B. – sans jamais oublier d’être un roman de cul foutrement excitant.
Bonjour, Cerise B. L’Apprentie Femelle est votre première publication. Parlez-nous de vous !
Mon intérêt pour l’érotisme est venu en chattant sur les réseaux sociaux et les sites de rencontres. Une expérience très riche ! Mon parcours de travestie a été un moyen de m’épanouir. Parfois libertine, je me fais mutine, coquine, entre les draps et les mots. C’est toujours de là que me vient l’envie.
"Je me travestis depuis l'adolescence"
De quoi parle L’Apprentie Femelle ?
L’Apprentie Femelle est l’histoire d’une personne qui se révèle et se réinvente. La résilience, la quête d’identité, la transidentité et l’étude des relations sociales dans une société basée sur le pouvoir sont des thèmes importants. Mon héros est un homme en totale décomposition professionnelle, affective et sociale. Ses repères et ses certitudes ont volé en éclat. Les circonstances le pousseront à expérimenter le travestissement, puis il se lancera dans un parcours dont le point culminant sera une transition de genre : une nouvelle personne éclora en lui, tel un phénix.
Les scènes qui parlent de travestissement, de transidentité et de transition de genre sont à la fois crédibles et émouvantes. Comment les avez-vous écrites ?
On ne se lance pas dans ce genre de scènes sans être intimement concernée par la question. Je me travestis depuis l’adolescence. Je connais les attentes, les peurs, les passages, les pièges que traversent mes consœurs. Pour la transidentité et le parcours de transition, je me suis inspirée des trajectoires de femmes trans que je connais et fréquente. Mes nombreuses correspondances avec d’autres personnes transgenres ont enrichi mes recherches et accru mes connaissances. Mais il faut veiller à ne pas tomber dans le piège de la litanie des informations techniques : la clarté et le rythme du récit priment.
"L'érotisme, comme le rock'n'roll, c'est la liberté"
Selon vous, qu’est-ce qui caractérise une bonne scène érotique ?
Il faut trouver dans ses personnages les failles qui permettent d’enfoncer un coin dans l’esprit du lecteur. Et comme chaque lecteur est différent, chaque roman érotique doit comporter des mécaniques multiples. Le plaisir de la crudité pornographique est libérateur, provocateur, outrancier ; la perversité psychologique, les non-dits, les mots à double sens sont autant d’outils pour mener le lecteur vers une appropriation personnelle du récit. Je dirais même que la juxtaposition des deux modes est souhaitable. Enfin, si j’avais un conseil à donner, ce serait d’ouvrir totalement son esprit et d’accueillir les pensées les plus folles. L’érotisme, comme le rock’n’roll, c’est la liberté.
"Le feeling doit trouver sa place dans le processus créatif"
Quel genre d’écrivain êtes-vous ? Parlez-nous de l’aspect technique de votre travail, laissez nos lecteurs jeter un œil dans votre atelier !
J’aime lancer des idées délirantes contre l’écran... une sorte d’action writing...
Pour L’Apprentie Femelle, c’est ce qui s’est passé même si par la suite, de nombreuses versions ont changé la physionomie du texte. La force de l’intention première – parler de travestissement, de transidentité et de transition de genre avec empathie et réalisme – est là. Mais on n’est pas obligé d’emprunter le même chemin pour chaque œuvre. Le feeling doit trouver sa place dans le processus créatif. Ainsi, je teste plusieurs rythmes d’écriture : je peux rédiger une nouvelle en deux jours et une autre en deux mois tout en ayant ouvert le chantier d’un roman. Un travail nourrit l’autre.
En revanche, lorsque le temps vient d’entrer dans la réécriture et les interminables relectures, on doit se concentrer sur l’ouvrage.
D’un point de vue technique, j’accorde beaucoup d’importance à la construction des phrases, à leur sonorité même. Un goût pour l’esthétique qui peut jouer de mauvais tours en faisant oublier l’essentiel : la narration et sa logique.
Quels sont vos futurs projets ?
Je travaille sur un nouveau roman, plus inspiré par mes expériences personnelles.
Après avoir participé deux fois au Prix de la nouvelle érotique, le virus de la nouvelle s'est infiltré en moi. Je constitue une petite collection de récits, au gré de mes envies...
Nous réfléchissons aussi, avec une amie peintre, à une exposition autour de portraits de travesties accompagnés de textes, un projet passionnant mais de longue haleine.
Enfin, last but not least, créer de nouvelles chansons. Si les mélodies sont là, les textes me font encore défaut.
C'est si bon d'avoir des projets plein la tête, même s'ils ne sont que des rêves...