"Le livre préféré de mon été."
"Plaisir avec un grand P."
"Du sexe joyeux incarné avec une grande humanité."
"Il nous embarque aussi facilement que si on prenait le train et ça mouille les culottes."
"Je suis un peu triste de me séparer de ces personnages attachants."
Les Vices de Camille, parmi tous les romans érotiques parus aux Nouveaux Interdits, suscite un des meilleurs bouche-à-oreille – et la photo illustrant cet article ne va pas me démentir ! Quel est le secret de son auteur ?
Bonjour Jules Fontaine. Les Vices de Camille est votre premier roman érotique, mais racontez-nous votre parcours.
J’ai travaillé dans la communication, la presse et l’édition de périodiques. En parallèle j’étais un gros lecteur, de roman érotique en particulier. Les Onze mille verges d’Apollinaire a longtemps accompagné mes masturbations adolescentes ! Plus tard j’ai découvert Anaïs Nin, Henry Miller et autres grands classiques, puis je suis tombé sur Esparbec. Un choc ! Il y avait donc moyen d’écrire du porno moderne et de qualité ? C’est à ce moment-là que l’idée de m’y mettre a germé. J’ai d’abord publié des nouvelles sur internet. Les retours positifs des lecteurs – et surtout des lectrices, merci à elles – m’ont encouragé à persévérer. De fil en aiguille, j’ai envoyé un manuscrit aux Nouveaux Interdits. Vous connaissez la suite…
Ce qui relie les personnages, c'est le mot "libération"
De quoi parle Les Vices de Camille ?
Ce qui relie les personnages, c’est le mot "libération". Camille veut quitter sa banlieue grise et s’affranchir des relations stéréotypées qu’elle subit. Stéphanie et Marco s’évadent de leur quotidien d’artisan boulangers dans le libertinage. Alphonse, le notaire, un personnage délicieusement pervers, réalise ses désirs les plus obscurs avec Camille. Le sexe est pour eux à la fois moyen et moteur de cette libération – particulièrement pour Camille qui, grâce à deux rencontres essentielles, Alphonse et Nathalie (une patronne de sex-shop), est initiée à de nouvelles pratiques et découvre une autre manière de vivre la sexualité, dans le respect et le consentement.
Modèle : Valériane K. Photographe : Alexchx
La sexualité comme émancipation joue en effet un grand rôle dans Les Vices de Camille. Je pense notamment à Liêm, un personnage très touchant.
Nous assistons à un satané retour de bâton après la grande période de libération sexuelle des années 1970. Le sexe semble partout, mais il est marchandisé, défini et encadré dans des cases étanches où chacun se complaît dans son "identité". Tout le monde surveille ses arrières pour ne pas offenser l’autre, ce qui justifie de nouvelles formes de censures recouvertes par une novlangue désespérante.
Liêm résume bien cette contradiction. Obligé dans sa cité de cacher son penchant pour les mecs et de jouer au gros macho, ce n’est qu’une fois passé de l’autre côté du boulevard, coupant les ponts avec le quartier, qu’il pourra assumer sa double identité, avec le soutien de Camille et Nathalie. Les femmes ont un grand rôle à jouer dans ce processus de libération des hommes.
Aller direct dans le cru
Voyeurisme, ondinisme, libertinage et shibari tiennent une grande place dans votre histoire.
J’ai souhaité montrer une autre face, plus lumineuse et solaire, de pratiques souvent considérées comme honteuses ou bizarres dans la vie courante et parfois un peu (trop) idéalisées dans les romans érotiques. J’ai voulu les débarrasser de tout jugement de valeur. Comme le dit Camille à Alphonse : "Chacun vit sa vie comme il l’entend. Tant qu’on ne fait pas de mal aux autres et que chacun trouve son plaisir, moi ça me va."
Selon vous, qu’est-ce qui caractérise une bonne scène de roman érotique ?
La fluidité et un vocabulaire simple, percutant, efficace. Il faut éviter les fioritures et les allusions, et aller direct dans le cru. Je commence par visualiser la scène, les personnages, leurs positions, leurs désirs, leurs interactions, puis j’écris tel que ça me vient, à l’affût des surprises que vont me dévoiler mes personnages et leurs envies. Une scène de roman érotique ne doit pas arriver là par hasard. Elle se situe dans un avant et un après, doit apporter quelque chose au récit. Et la meilleure récompense reste de faire mouiller les unes et bander les autres !
Je pense être un besogneux
Parlez-nous de votre méthode de travail.
Je travaille sans notes ni plan. Une vague idée des protagonistes et une amorce d’histoire me suffisent. Je démarre sur une simple phrase, avec une idée de scène. Puis j’attends que la mécanique mystérieuse de l’écriture se mette en place. Une fois que l’atmosphère est calée, que les personnages prennent de la consistance – elle est souvent minime au départ ! –, c’est le rythme qui m’importe. Il faut que les phrases coulent.
Je gratte mot après mot, phrase après phrase, je reviens en arrière, coupe, réécris. Quand une idée me vient, je la note dans le texte, quitte à la supprimer si ça ne colle pas. Je procède par ajout et suppression jusqu’à ce que le passage tourne bien. Et je continue. Je pense être un besogneux, un artisan un peu bourrin qui ne lâche pas le truc tant qu’il n’est satisfait – ce qui peut me laisser scotché à mon bureau de six heures du matin à tard dans la nuit ! Le lendemain, je relis ma production de la veille, sans corriger dans le détail. Je réserve ça pour après, lorsque le premier jet est terminé.
Liêm illustre parfaitement ce processus. Personnage secondaire au départ, il a gagné peu à peu en épaisseur jusqu’à prendre toute sa place dans le récit. J’ai eu beaucoup de plaisir à faire sa connaissance.
Faites-vous lire vos manuscrits à des lecteurs (ou des lectrices) privilégiés, avant de les envoyer à votre éditeur ?
Je partage mes écrits avec trois lectrices essentiellement. L’une d’elle, K., m’a avoué à propos des Vices de Camille : "J’étais toute poisseuse une fois terminé ton roman. Du coup j’ai sauté sur mon mari et le pauvre n’a rien compris". J’ai trouvé ça adorable.