Touriste sexuelle est un roman érotique de pure distraction, qui préfère les ambiances sexy et joyeuses aux intrigues réalistes ou aux études de personnages approfondies. Comment s’y prend-on pour rester léger sans devenir insipide ? Thomas Spiwack va nous l’expliquer.
Bonjour Thomas Spiwack. Touriste sexuelle est votre premier roman. Si on en croit le résumé, il s’inspire de votre vie.
C’est exact. Il y a quelques années je voyageais beaucoup et tenais un journal. J’avais déjà écrit de la fiction, mais rien de formidable. Comme beaucoup de jeunes auteurs je m’inspirais trop de mes idoles. Ce journal m’a permis de changer ma relation à l’écriture, de définir mon style. Le voyage permet de se détacher de la nécessité de l’intrigue : il suffit de raconter les rencontres, les paysages, la route, ce qu’on a sous les yeux, tout simplement. Au cours de cette période, j’ai lu un article à propos d’une jeune femme chinoise qui aurait voyagé dans son pays sans dépenser d’argent, en utilisant son corps comme monnaie d’échange.
Cette anecdote m’a servi de base pour imaginer un roman érotique dans lequel mon héroïne, Kandyce, réalise un tour du monde selon la même méthode.
Mon livre est un exutoire, un roman érotique destiné aux adultes, pas un cours d’éducation sexuelle
Comment écrit-on un roman érotique qui mélange réalité et fiction ?
Le truc, c’est le juste milieu. Même si l’idée s’inspire d’un fait réel (encore que je n’aie pas vérifié l’information) et que le décor reproduit mes souvenirs, le déroulement du récit est inventé. Certains inconvénients de la vie réelle sont mis de côté, comme les MST ou la contraception. Une personne sensée ne se comporterait jamais comme mon héroïne ! Mon livre est un exutoire, un roman érotique destiné aux adultes, pas un cours d’éducation sexuelle.
Aussi, l’usage d’un point de vue interne induit une certaine subjectivité du personnage principal.
Pensez-vous qu’il soit plus difficile d’écrire un roman érotique en changeant de genre ?
D’un point de vue psychologique, je ne pense pas. On retrouve certains traits de caractère plus facilement chez les femmes, d’autre chez les hommes, mais la réalité est bien sûr plus subtile. Le but est de créer un personnage intéressant, paradoxal, complexe, bref réaliste, peu importe son sexe. La difficulté inhérente aux romans érotiques tient dans la description de l’orgasme, car malheureusement un homme ne sait pas ce que ressent une femme qui jouit et réciproquement.
Une scène de sexe doit proposer un angle original
Selon vous, qu’est-ce qui caractérise une bonne scène érotique ? Quels conseils donner à nos lecteurs qui voudraient se lancer dans le grand bain ?
Se munir d’un bon dictionnaire de synonymes ! Au bout d’un moment, on est à court d’idées pour nommer les organes génitaux sans se répéter !
Dans Touriste Sexuelle, l’intrigue et les scènes de cul sont indissociables puisque c’est sexe qui permet le voyage de l’héroïne. Un des enjeux était d’utiliser des décors spécifiques à chaque endroit visité. Aucun intérêt à décrire un voyage si les scènes érotiques se passent tout le temps dans une chambre. Il fallait voir Kandyce s’envoyer en l’air dans le Transsibérien, dans un onsen japonais ou en voiture après un auto-stop.
Pour ne pas être ennuyeuse, une scène de sexe doit proposer un angle original. Dans le livre, l’héroïne distingue deux types de plaisir : celui qui naît de la stimulation des zones érogène, franc et direct, et un autre, plus trouble et mystérieux, plus intellectuel, qui trouve sa source dans nos fantasmes et nos fétiches, par exemple l’attrait pour un certain type de vêtement, de matière, de position, d’attitude, de physique... Un auteur de roman érotique doit privilégier ce dernier, le seul qui puisse donner un orgasme sans avoir besoin du toucher.
Quant à l’écriture pure, je pense qu’il ne faut pas trop théoriser, mais y aller à l’instinct, piocher dans ses expériences et écrire ce qui nous excite. Ça touchera forcément des lecteurs.
Parlez-nous de l’aspect technique de votre travail, laissez nos lecteurs jeter un œil dans votre atelier !
Pour Touriste sexuelle j’ai écrit de courtes scènes organisées autour d’une situation. J’ai peu relu, juste pour effacer les répétitions, corriger des abus de langage, ce genre de chose. Cela vient sans doute de la forme du journal intime qui a servi de base au roman. Mais il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon d’écrire, le tout est de trouver sa méthode.