À l’instar de L’Innocente, Mise à nu ou La Princesse des chantiers, Belles-sœurs est un roman érotique qui creuse le sillon psychologique de notre collection , en donnant beaucoup d’importance aux personnages, à l’exploration de leur psychisme et de leurs émotions, mais aussi en les plongeant dans des situations parfois difficiles et dérangeantes, en les forçant à aller au bout d’eux-mêmes.
Italo Baccardi, bonjour. Votre parcours est très important !
Tout a commencé en 1989. J’ai envoyé un manuscrit de roman érotique à Esparbec. L’histoire d’une jeune fille prénommée Sophie, qui découvre les plaisirs troubles de la soumission. Un thème qui me tient à coeur. Je crois qu’on se met à écrire des livres parce qu’on ne les trouve pas ailleurs.
Quelques jours plus tard Esparbec me téléphone. Il voulait qu’on se rencontre. Je lui explique que je vis dans un tout petit village au coeur des Maures. Il me dit : "C’est amusant, je suis actuellement en vacances dans le Var chez des amis". Au fil de la discussion on s’aperçoit qu’à peine un kilomètre nous sépare. Une heure plus tard nous prenons le pastis sur une terrasse à Grimaud.
Esparbec, un mentor exigeant
Ce manuscrit est devenu deux romans : L’Initiation de Sophie et Les Perversions de Sophie. Une douzaine d’autres livres ont suivi, sous différents pseudonymes, jusqu’au fameux Osez La fessée, un grand succès.
Esparbec était un mentor exigeant. Mais un bon pédagogue. Combien de fois ai-je du recommencer un chapitre ? J’apprenais. Il me guidait. Me conseillait avec bienveillance. L’amitié s’est installée.
Belles-sœurs, le dernier, a été long à prendre forme. Le décès d’Esparbec m’avait coupé les ailes. J’espère qu’au royaume des pornographes, là-haut, Esparbec le lira avec ce regard plein de malice qui me manque tant.
De quoi parle Belles-sœurs ?
Faustine et Stéphanie sont mariées avec les frères Laverny. Dans ce milieu bourgeois de province, les deux jeunes femmes s’ennuient. Tout les oppose. Stéphanie a un caractère affirmé. Son coté dominateur trouve en Faustine une proie facile. Utilisant son autorité, elle va en faire son jouet sexuel. Faustine tentera de ne pas tomber sous sa coupe, mais chassez le naturel, il revient au galop. En bonne masochiste, elle se soumettra aux dépravations que lui imposera sa belle-sœur. Les deux femmes y puiseront un plaisir intense. Un événement offrira à Faustine, la soumise, de passer de l’autre côté du miroir. Et à Stéphanie de connaître les délices de l’obéissance.
Il est beaucoup question d’emprise psychologique dans ce roman érotique, un thème que je trouve difficile à traiter avec justesse.
Les rapports amoureux sont basés sur la notion d’emprise psychologique. Ça nous vient de nos ancêtres préhistoriques. Sans jeu de pouvoir – entre personnes consentantes, bien sûr –, le plaisir n’est que fade gymnastique. L’un ou l’une prend les initiatives. L’autre reçoit. Subit. Mais peut aussi décupler son plaisir en inversant les rôles. L’amour physique est un jeu de rôles. Mais rien n’est tranché. Qui domine qui ? Celle qui donne des ordres ? Ou celle qui exige inconsciemment qu’on la soumette ?
Je peux passer des heures à observer les gens
J’ai été frappé par la crédibilité de vos personnages. Quel est votre truc pour que le lecteur y croit ?
Je ne m’ennuie jamais quand je suis seul. À la terrasse d’un café, je peux passer des heures à observer les gens. J’imagine des scénarios débridés, déjantés ou excitants. Cette jolie brune accoudée au comptoir ou cette étudiante à lunettes et cheveux nattés, comment ont-elles passé la nuit ? Ont-elles des pensées inavouables au moment où je les observe ? Et si la brune venait s’asseoir à la table de l’étudiante ? Si elle posait sa main sur les siennes ? Et si… et si… Et si…
Que l’on écrive un roman érotique, un thriller ou autre chose, le plaisir de l’écrivain c’est de faire interagir des personnages.
Qu’est-ce qui caractérise une bonne scène érotique ?
Des personnages crédibles tout d’abord. Bien campés. Réels. Sur lesquels le lecteur puisse de projeter. Et puis un événement, une situation les fait basculer dans le scandaleux, le sale. Les fantasmes les plus inavouables apparaissent au grand jour. Libérés et libérateurs. Décrire un couple qui fait l’amour n’a rien d’excitant. C’est banal, sans fantaisie. Mais si on pénètre dans la cérébralité des personnages et que l’on fait émerger les désirs archaïques refoulés que sont les fantasmes, alors on a une bonne scène de cul.
Des phrases qui claquent comme des coups de fouet
Quel genre d’écrivain de roman érotique êtes-vous ?
Je suis bordélique. J’écris sur des post-it, des nappes de restaurant, sur mes mains quand des idées me viennent. Parfois c’est si mal rédigé que je n’arrive pas à me relire.
Je définis un cadre, des personnages, un scénario. Puis je rédige sur mon ordinateur. J’essaie d’écrire les phrases les plus courtes possibles. Qui claquent comme des coups de fouets. Encore l’héritage d’Esparbec. Un roman érotique est plus efficace quand les phrases sont taillées à coup de serpe. L’atmosphère est importante car elle rend les personnages crédibles. Le rythme aussi. Nous accompagnons le lecteur dans un récit qui a un début et une fin. Pas question qu’il s’ennuie pendant le voyage. Les scènes de cul doivent être ponctuées par un anti-climax qui apaise et recadre l’action.
Merci, Italo Baccardi !