L’air de rien, Joko est sans doute notre auteur le plus proche d’Esparbec – peut-être pas dans le style, mais dans le fond. Chez lui, le sexe est dangereux et réaliser ses fantasmes conduit au bord de l’abîme. Mauvaise pente est son second roman érotique et tout est dans le titre : chaque personnage va dégringoler en bas, tout en bas de l’obscénité et du désir, là où n’existe aucune règle morale et où tout se confond.
Bonjour Joko. On a déjà évoqué votre parcours à l’occasion de la parution du Feu au cul, votre premier roman érotique. Qu’est-ce qui vous a motivé à en écrire un deuxième ?
Je n’ai pas eu besoin d’une motivation particulière car j’ai toujours plusieurs textes en cours – uniquement érotiques, c’est ce qui me vient naturellement. Mauvaise pente s’est imposé. Il y avait cette phrase dans le premier chapitre : « S’il avait pu deviner à cet instant les conséquences de cette soirée, vers quels abîmes Lisa se précipiterait, il aurait demandé à l’inconnu de partir sur le champ. » Comme j’ignorais ce que pouvaient être ces abîmes et le parcours qui allait y conduire cette jeune femme déjà bien dévergondée, j’ai voulu de le découvrir, et connaître aussi l’histoire de ce « il », témoin impuissant de cette déchéance.
Un roman érotique et initiatique
De quoi parle Mauvaise pente ?
D’une jeune femme très séduisante qui occupe une position sociale confortable, mais tenaillée par des désirs irrépressibles, de plus en plus envahissants. Une rencontre inopinée lui permet de sauter le pas en lui offrant, au prix de son ancienne vie, la possibilité de réaliser ses fantasmes les plus inavouables et satisfaire ses pulsions les plus extrêmes. Une seconde rencontre – véritable coup de foudre – l’amène, au prix cette fois d’une initiation douloureuse et éprouvante et d’une soumission totale, à devenir ce qu’elle n’aurait jamais pu seulement entrevoir. Ou espérer, si j’ose dire. Au fond c’est un roman érotique autant qu’initiatique...
Mauvaise pente, tout comme Le Feu au cul, montre des personnages qui vont au bout d’eux-mêmes, se confrontent à leur propres tabous, et dont la descente aux enfer aboutit à une sorte de renaissance. Est-ce un thème important pour vous ?
Je n’avais pas détecté ce tropisme ! Mais si je jette un œil aux textes en cours dont je parlais, ça se vérifie... Merci Docteur !
Je ne trouve pas très excitant d’écrire un roman érotique où les personnages enchaînent des expériences sans que ça modifie leur destin. Ils doivent vivre des transgressions dont ils ne maîtrisent pas les conséquences. Leurs pulsions sont fatales, leur font perdre le contrôle jusqu’à anéantir ce qu’ils ont construit. Cette aspiration à vivre sous l’empire de ses pulsions, à réaliser ses fantasmes les plus extrêmes, trouve son accomplissement lorsque leur chemin croise des êtres émancipés, machiavélique, sans scrupules, des individus qui leur ouvrent les portes de l’Enfer, de la déchéance et de leur jouissance, devenue leur unique raison de vivre. Tout un programme...
J'aime exprimer des choses inavouables
Votre écriture a-t-elle évolué ?
Ce qui m’amuse, dans un roman érotique, c’est la surenchère. Me surprendre moi-même. J’aime exprimer des choses inavouables, un peu monstrueuses et je crois que dans Mauvais pente je suis allé encore plus loin.
Aussi, mes personnages me paraissent mieux définis. Le ton du Feu au cul était celui d’un conte. Il y avait une part d’humour dans les scènes de sexe, une distance. Cette fois le ton est plus réaliste. Les personnages assument davantage leurs perversions et leur nature dévoyée. C’est ce qui les fait jouir. Les scènes de cul sont plus excitantes et le roman est plus radical, violent, que le précédent.
Aussi, j’ai laissé à mes personnages une plus grande liberté. J’ai pris plaisir à ne rien savoir d’eux et découvrir ce qui leur arrive, qui ils sont, à quel point ils sont dépravés, à mesure que le texte progresse.
Descente aux enfers et jouissance
La construction de Mauvaise pente m’a donné du fil à retordre, car tous les personnages interagissent à des degrés divers, selon des intérêts, des enjeux de pouvoir ou sentimentaux qui changent au fil de l’histoire. Lisa, avec sa beauté et la classe qui la caractérise, sème le trouble dans ce monde corrompu, où elle entre par effraction. Elle suscite des jalousies, des rivalités, entraîne avec elle des personnages qui risquent de se perdre à leur tour.
Pour raconter cette histoire-là, une forme plus complexe s’est imposée. Le roman est structuré par le parcours parallèle de deux protagonistes principaux. Les lieux sont mieux définis, plus réalistes, tout comme le métier des personnages. Le lecteur découvre en détail l’environnement social de l’héroïne, afin de mieux ressentir son déclassement, qui fait partie de sa descente aux enfers consentie – et de la jouissance que ça lui procure.