Interview de Gérard Defoy, auteur du roman érotique J'aime ta femme

Christophe Siébert interroge Gérard Defoy, auteur de roman érotique, sur son nouveau livre et son processus d'écriture.

J’aime ta femme aurait pu être un roman érotique hétéro-beauf typique de ce qui se publiait dans les années 80. Et pourtant, pas du tout ! À la manière des plus féroces comédies italiennes de la grande époque, il dresse un portrait à charge, aussi lucide que désopilant, de certains travers masculins, sans oublier de nous régaler de scènes de cul particulièrement tordues et surtout très excitantes. Un cocktail détonnant et savoureux dont nous allons tenter de découvrir la recette.

Bonjour Gérard Defoy. J’aime ta femme est votre premier roman érotique, mais vous n’en êtes pas à votre coup d’essai dans le domaine. Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

Je suis d’abord scénariste et réalisateur. J’ai écrit une comédie qui se déroule dans une librairie érotique et une autre dans laquelle un jeune homme découvre que son père est auteur de romans érotiques sous pseudo et se fait passer pour lui afin de séduire une fan. 

Je me suis alors dit que je devais cesser de tourner autour du pot et me mettre à la littérature ! D’autre part, j’ai eu l’impression qu’il serait plus aisé d’écrire un livre de genre. Pas qu’un roman érotique demande moins d’effort qu’un roman classique, mais la littérature érotique est moins prise au sérieux – à tort, cependant ça me mettait moins la pression. Ça peut sembler tordu d’écrire un roman érotique par crainte du jugement des autres…

Des personnages masculins tels que je crains de l'être

De quoi parle J’aime ta femme ? 

Dans les interactions masculines, il est fréquent d’écouter ses congénères à la fois se vanter de leurs conquêtes extra-conjugales et se plaindre de la perte, d’appétit sexuel de leurs épouses. Il y a de quoi tiquer, non ? Que Madame ne se passionne plus pour la queue de Monsieur est probable, mais qu’elle ne s’intéresse plus du tout au cul l’est moins. Mon héros se fixe pour mission d’élucider ce mystère. Et il donne de sa personne ! S’il démarre cette enquête avec beaucoup d’a priori, il va vite en apprendre – et en vivre – des vertes et des pas mûres.

Vos personnages masculins sont lâches, veules, mesquins, hypocrites et j’en passe. Pourquoi cette vision sarcastique ?

Personne ne m’a jamais dit : "Ma femme et moi on ne baise plus, je dois m’y prendre comme un manche, ne pas faire assez attention à ses besoins." Par ailleurs, j’ai voulu créer des personnages masculins tels que je crains de l’être et des personnages féminins tels que j’aimerais être. Ça donne des femmes avec du caractère et des hommes avec beaucoup de défauts. Toujours à propos des personnages féminins, j’ai mis en scène des êtres désirants et pas seulement désirés. C’est même le vrai sujet du livre, je crois.

Le sexe, c'est fun !

Selon vous, qu’est-ce qui caractérise une bonne scène érotique ? 

Pour moi, il n’y a rien de moins bandant qu’une scène de sexe qui décrit les ébats de deux personnes qui s’aiment. Ils s’aiment, qu’on les laisse tranquilles, bordel ! Moi je veux du conflit !

Deuxième condition : les personnes qui passent à l’acte doivent avoir une relation clairement exposée. 

Enfin : le sexe, c’est fun ! C’est aussi un moment où on rit, où on a le droit de se tromper, où on avoue ne rien savoir sur l’autre et surtout, surtout, c’est un moment de don. Les scènes de cul d’un roman érotique doivent aussi refléter cela.

Parlez-nous de l’aspect technique de votre travail, laissez nos lecteurs jeter un œil dans votre atelier ! 

En période d’écriture, je travaille trois ou quatre heures par jour au maximum. En revanche, en période de réécriture, je peux travailler toute la journée.

Une fois que j’ai ma situation de départ, je tire le fil et déroule la scène, avec des digressions dans tous les sens et des dialogues trop longs et trop écrits. Je relis dans la foulée, ajoute des précisions, corrige les incohérences. Le lendemain je relis d’un œil plus frais et je coupe, j’élague. Je fais ça plusieurs fois. Je rajoute puis j’enlève.

Écouter ses impressions

Enfin, j’envoie à mon éditeur. Il me fait des remarques et des suggestions. Quand je vois qu’un passage ne passe pas alors qu’il me semble nécessaire, j’essaie de voir si la mise en situation ou les conséquences déconnent. La personne qui vous lit n’est pas vous et ne veut pas forcément la même chose que vous. Ses remarques sont à prendre avec des pincettes. Il faut surtout écouter ses propres impressions. 

À une conférence sur la comédie, deux auteurs-réalisateurs confrontaient leurs visions. Éric Judor expliquait écrire des scènes qui le font marrer lui alors que Pierre Salvadori avait pour obsession la réception du public. Un roman érotique a un point commun avec la comédie : ça passe ou ça casse, il y a la notion d’efficacité au centre. Pour ma part, j’écris d’abord en pensant au lecteur, mon but est de l’embarquer avec moi. Mais ce que j’écris doit me plaire aussi. Si vous prenez autant de plaisir à me lire que j’en ai eu à écrire, alors c’est gagné !