Savoir vendre un livre, le nerf de la guerre

Christophe Siébert, auteur et éditeur, prend la parole sur le blog de La Musardine

Un des principaux éléments qui vous conduisent à choisir un livre plutôt qu’un autre, c’est ce qu’on appelle le prière d’insérer ou la quatrième de couverture : autrement dit, le résumé au dos de l’ouvrage. Il est là pour aiguiller et convaincre le lecteur. Racolage, vous dites ? Tous les moyens sont bons pour se faire remarquer.

Nos quat’ de couv’ répondent à plusieurs critères :

— Indiquer au lecteur qu’il s’apprête à lire un roman de cul et pas la dernière production Flammarien, Grassouille ou Gallimoche.

— Résumer l’histoire de la manière la plus synthétique et exacte possible.

— Évoquer le ton, la voix, le style de l’auteur.

— Exprimer l’idée forte des Nouveaux Interdits, à savoir que nous publions de la littérature érotique ancrée dans le réel, située ici et maintenant, qui parle de la société d’aujourd’hui.

Mine de rien, ça nous demande beaucoup de travail ! Nous nous donnons un mal de chien pour que ce premier contact entre le livre et vous se passe le mieux possible.

 

"Racolage, vous dites ?"

 

Voici comment nous procédons : je demande à l’auteur de rédiger un brouillon du résumé. Je le révise dans le but de le raccourcir, le muscler, le rendre plus attractif. Nicolas Cartelet, mon estimé collègue, repasse dessus à son tour afin de le lisser, en ôter les dernières imperfections et lui donner davantage de punch. Il connaît moins bien le manuscrit que moi (je viens de passer plusieurs semaines à travailler dessus quotidiennement avec l’auteur – cette étape se nomme « l’editing », il faudra aussi que je vous en cause), mais il est bien plus expérimenté pour déterminer quelles tournures de phrases et quels mots vont attirer les lecteurs ou au contraire les faire fuir.

Ensuite intervient Anne Hautecœur, notre directrice à la sévérité légendaire, pour le verdict final : soit notre résumé est bon pour le service, soit nous en sommes quittes pour une douzaine de coups de fouet chacun avant de nous remettre au turbin (on peut assister aux punitions sur rendez-vous, prendre contact avec Maxime, le libraire de La Musardine).

Enfin, la version finale est validée par l’auteur.

 

"Ensuite intervient Anne Hautecœur, notre directrice à la sévérité légendaire"

En guise conclusion, voici le brouillon du résumé de Banlieues chaudes, de François Fournet, premier titre de la collection, suivi de sa version finale, telle qu’elle apparaît au dos de l’édition de poche parue en février dernier :

« Malik, jeune branleur essentiellement occupé à traîner sur YouPorn et fumer des pétards, aurait-il pu deviner que la fille la plus canon, la plus chaude... et la plus grande gueule de toute la banlieue vivait à deux pas de son immeuble et jetterait son dévolu sur lui ? Aurait-il pu se douter de son hospitalité et de la douceur de ses cuisses ? 

Le seul défaut de Malika ? Il était de taille : c'était la meuf du principal dealer du quartier

Maintenant que Malik ne pouvait plus se passer d'elle, comment allait-il se sortir de cette histoire ? »

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« Malik, jeune homme désœuvré et malhabile avec les femmes, voit sa vie basculer lorsque Yasmina, la plus canon et grande gueule des filles du quartier, jette son dévolu sur lui. Yasmina est plutôt du genre dominatrice tandis que Malik, lui, se laisse facilement diriger : ces deux-là se sont bien trouvés. Malik devient le jouet sexuel de Yasmina, qui l’entraîne toujours plus loin dans la débauche. Entre les griffes de cette bombe accro à la sodomie, Malik apprend à satisfaire les femmes et se découvre une raison d’être heureux…

Seulement voilà, Malik a un problème, et il est de taille :  Yasmina est la petite amie du plus gros dealer du quartier. Maintenant qu’il ne peut plus se passer d’elle et de ses jeux vicieux, comment se sortir du pétrin dans lequel il s’est fourré ? »

À la fois presque pareil et totalement différent. Et voilà constat qui s’applique parfaitement au manuscrit vs. le roman que vous tenez entre vos mains.